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À vélo vers l’Écoasis de Guérande

Grains de Route à vélo vers l’Écoasis permacole de Guérande

Début Juillet 2023. Après 4 jours de tempête cérébrale à la ferme collective de Trévero, dans le Morbihan, me voici à vélo pendant 2 jours, pédalant vers l’Écoasis de Guérande. Je passe 5 jours chez Jérémy, Marie & leur associée Anne dans ce jardin-forêt permacole, situé à proximité des fameux marais salants de Loire-Atlantique. Ces quelques jours me font l’effet d’une bulle toute mousseuse d’intégration, bienvenue après cette joyeuse tornade collective et cérébrale. Les deux ambiances me sont réjouissantes et nécessaires !

Réveil matin reposée après quelques nuits réparatrices, dans la cabane à oiseaux de l’Écoasis de Guérande

Transformer une friche en jardin d’Éden à l’Écoasis de Guérande

L’Écoasis est un jardin-forêt de 4ha, sur lequel Jérémy et Marie ont planté plus de 500 arbres depuis 2016. Au départ, le terrain était une vaste prairie en friche. Aujourd’hui, c’est une mini-forêt luxuriante, avec des parterres cultivés en permaculture, des haies, des fruitiers, une serre tropicale… Le tout bordé de plusieurs mares foisonnantes de vie.

De ce fait, le jardin est autonome en eau : les mares permettent la récupération d’eau de pluie. Bien-sûr, elles sont aussi des réservoirs de biodiversité sans pareille, indispensables à l’équilibre de l’écosystème. Elles contribuent à l’auto-régulation des ravageurs sur les plantes cultivées. Elles fournissent en effet un environnement favorable à leurs prédateurs (batraciens, reptiles, oiseaux, hérissons, chauve-souris…).

Cette biodiversité, je la perçois de façon très tangible pendant mon court séjour à L’Écoasis. Pépiements depuis la “Cabane à oiseaux” où je passe mes nuits, grenouilles et têtards… Mais aussi ibis, spatules, hérons et autres échassiers, qui nichent dans la forêt avoisinante. Cette dernière résonne de cris étranges, qu’on prendrait presque pour des chants d’oiseaux préhistoriques.

Toutefois, la rencontre la plus marquante reste celle avec un chevreuil au petit matin, durant ma séance de yoga. Ce dernier, posté à l’autre bout de la mare, m’aboit dessus pendant plusieurs minutes. Il faut croire que je l’ai dérangé en plein petit-déj’ ! Au menu : feuilles de fraisiers ! Sur les systèmes agroécologiques, on accepte de payer une forme de “tribut” à la vie sauvage. Somme toute, une forme d’échange de services qu’elle nous rend bien. Au jardin, comme en capacité d’émerveillement quotidien !

La mare, lieu de rencontre avec le chevreuil à L’Ecoasis de Guérande

S’inspirer des forêts cultivées pour créer son jardin-forêt

Le jardin-forêt est aussi parfois appelé forêt-jardin ou forêt comestible. Le principe, c’est de valoriser toutes les strates de l’écosystème pour produire de la nourriture. Depuis le sous-sol (racines et tubercules), plantes couvre-sol (ex : fraisiers), vivaces et annuelles (plantes aromatiques, betteraves…), buissons (goyavier qui pousse très bien ici, baies…), petits arbres fruitiers (pêcher, poirier…), grands arbres fruitiers (ex: noyer), jusqu’aux lianes et plantes grimpantes (haricots, kiwi, vignes etc), mais aussi champignons… Comme dans l’écosystème d’une forêt ! Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

En réalité, il s’agit d’une pratique millénaire dans de nombreuses régions du monde, où l’on entretient des espaces “cultivés” dans la forêt. Elle permet de produire de grandes quantités de nourriture sur des espaces restreints. Enfin, c’est une technique peu voire non-consommatrice en ressources extérieures.

Le système multi-étagé du jardin-forêt (Source : Association Française d’Agroforesterie)

De la compote, des tisanes et du glanage à l’Écoasis de Guérande

Cette abondance de fruits et de plantes, l’Écoasis la transforme en compotes, tisanes, vinaigres aromatisés et autres délicieuseries. De plus, quelques petits fruits frais viennent agrémenter leur étalage sur les marchés. Des animations pédagogiques auprès des scolaires et du grand public complètent enfin les activités de ce lieu ouvert sur l’extérieur. Situé en bordure de la Vélodyssée, on peut aussi simplement venir s’y promener.

Jérémy, natif de Guérande et lui aussi mû par un besoin de retour aux sources, a repris une tradition familiale. Il toque aux portes pour récolter des pommes en échange d’un nettoyage de terrain chez des particuliers. C’est la pratique du glanage, qui leur tient à cœur de réhabiliter. Ainsi, l’Écoasis concocte du jus à partir des fruits collectés, tandis que les particuliers récupèrent leur stock de fruits pour l’année, et sont remerciés en compote et en jus. C’est donc tout bénef pour tout le monde, et ça crée du lien !

Retrouver le “sens paysan” : une piste par la Sécurité Sociale de l’Alimentation ?

L’Écoasis est un lieu permacole à vocation nourricière et pédagogique, qui aspire à “retrouver le sens paysan”. Au fil de nos discussions, Jérémy me confie qu’aujourd’hui, après 7 ans de projet, il trouve davantage de sens à nourrir les consciences qu’à nourrir les gens. Son système de production maraîchère, aussi foisonnant soit-il, est davantage vivrier qu’à destination d’une production “de rente”. Il en a rapidement constaté les limites, tant ses cultures de légumes sont plantées de façon éparse. Le coup de production est donc élevé, car les temps de récolte sont plus importants que dans un système linéaire, plus rationalisé.

Finalement, c’est autant par l’éducation populaire, la transmission et le partage qu’il nourrit et se nourrit… Le tout avec une grande humilité, et la conscience qu’il est lui-même en apprentissage permanent.

En effet, Jérémy partage le ressenti de Benjamin de la Ferme de Trévero, sur l’injustice sociétale qui réside dans les attentes envers le monde paysan : travailler comme des fous pour un faible revenu, sans venir questionner la véritable valeur des produits, ni auprès des consommateurs, ni auprès des politiques publiques, encore moins auprès des agro-industriels.

Évoquée avec plusieurs personnes rencontrées au fil de mon périple (comme Marc Pion ou encore Estelle des Radis&Co), il existe une piste de réflexion qui pourrait permettre de proposer des règles du jeu plus viables et enviables aux paysan.nes : la Sécurité Sociale de l’Alimentation.

Rechercher le “bon sens paysan” à L’Ecoasis de Guérande

Sécurité Sociale de l’Alimentation : un accès à une nourriture saine et de qualité pour toustes

En France, nous sommes parvenus à proposer un accès au soin et à l’éducation accessibles au plus grand nombre. Bien que critiquables et incontestablement mis à mal ces dernières années, ces systèmes montrent qu’il est possible de garantir une accessibilité et une qualité de service à une population, ainsi qu’une stabilité pour les garant.es de ces services. Il s’agit de choix politiques et sociétaux.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de système en France garantissant l’accès pour toustes à une alimentation locale de qualité, ainsi qu’une stabilité économique aux producteurs.ices. Par ailleurs, la souveraineté alimentaire des territoires français reste loin d’être atteinte. Nous demeurons très dépendants de l’importation, notamment de fruits et légumes (déficit de balance commerciale se situant selon les années aux alentours de 2,5 à 3 milliards d’euros – Chambre d’Agriculture, 2019).

Rejoindre les débats et réflexions citoyennes sur la Sécurité Sociale de l’Alimentation

Or, depuis 2019 (basé sur des travaux plus anciens) partout en France, les membres du collectif pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation échangent, construisent et portent ce projet de société. Ce dernier se veut à la hauteur des enjeux agricoles et alimentaires actuels.

À ce jour et depuis quelques années, trois conférences gesticulées sur ce sujet sont jouées partout en France. J’ai eu la joie d’assister à celle de Mathieu Dalmais en 2022 à la Fête de l’agriculture paysanne en Mayenne. Cette dernière, passionnante, demanderait toutefois à être encore simplifiée et vulgarisée pour en faciliter l’accès au plus grand nombre.

Partout en France, il est possible de rejoindre ou créer des groupes de réflexion qui travaillent sur ce projet, de participer ou d’animer des ciné-débats, d’accompagner nos élus sur ce sujet. Par exemple, le Festival Alimenterre a lieu chaque année dans de nombreuses villes de France, de mi-octobre à fin novembre. C’est aussi une parfaite occasion d’apprendre et d’échanger sur l’alimentation durable.

Je survole ici seulement le sujet, vous retrouverez toutefois plus d’information sur le site du collectif (et dans le podcast Grains de Route à venir !) : www.securite-sociale-alimentation.org/

À vélo avec Mathieu entre Nantes et La Rochelle : la bonne bouffe et la joie sont nos principaux carburants !

Prochaine étape à vélo après l’Écoasis de Guérande : l’Oasis du Coq à l’âme en Charente !

Après ces étapes riches en partages, direction plein Sud ! Je pédale quelques jours le long de la Vélodyssée qui dessine la côte Atlantique. Cette fois-ci, je suis accompagnée par Mathieu, mon ancien coloc, de Nantes jusqu’à La Rochelle. Plaisir de se retrouver et flâner à vélo en bonne compagnie ! Les vacances d’été démarrent et la fréquentation sur les routes s’en fait ressentir, ce qui toutefois ne nous empêche pas de trouver de jolis spots de bivouac. Puis, à Fouras je bifurque vers les terres Charentaises, en direction de l’Oasis du Coq à l’âme. Suite au prochain épisode !


Vous pourrez suivre toutes ces aventures :

One Comment to “À vélo vers l’Écoasis de Guérande”

  1. Super intéressant ! Merci pour ce partage. Ca me questionne tjs cette question de rentabilité des maraichers / fermiers / Paysans.

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