Logo_Grains de Route

L’agriculture paysanne en collectif chez Radis&Co

S’installer en ferme partagée ; Ou comment conjuguer idéaux paysans, gestion du collectif et temps pour soi

10 jours chez Radis&Co

J’arrive le 15 Avril au GAEC Radis&Co, dans le petit village de Montflours qui surplombe les bords de la Mayenne. 30 km à vélo depuis le GAEC Arc en Ciel, sous un soleil radieux. Quelques bonnes bourrasques de vent, juste ce qu’il faut pour rappeler l’importance de conserver et replanter des haies. À vélo, on mesure bien leur rôle coupe-vent !

Je passe 10 jours chez les Radis, accueillie par cette joyeuse équipe. Robert Jean, Marco, Steeve, Estelle et Clément sont les 5 associé•es (en 2023) ; Lola, Carlos, Oliv’ et Michel sont salarié•es du GAEC. Les rencontres sont riches et la ferme brasse du monde. Il y a toujours des gens de passage, des copains, des coinjointes, des enfants, des stagiaires… C’est vivant!

En 12 ans depuis leur installation, l’équipe a contribué à générer une dynamique locale foisonnante. Au village de Montflours, un marché de producteurs les vendredis soirs, où l’on se retrouve pour célébrer le week-end. Une zone d’activité au statut de coopérative (SCIC), l’Archipel, s’est montée à l’initiative de Cédric Soufflet en 2016. Ils ont ouvert un lieu partagé en 2021, qui héberge 5 structures dont la brasserie associative de Montflours (la BAM). Un terrain d’habitat collectif comportant de l’habitat léger est implanté en centre bourg. Un atelier de vannerie a ouvert. De nombreux événements sont organisés toute l’année, des projets collectifs émultionnent… Ça donne beaucoup d’espoir et d’inspiration sur les possibilités de revitalisation des territoires ruraux.

Une ferme aux activités diversifiées

Sur la ferme, une quinzaine de vaches laitières, de races et couleurs variées. Des Bretonnes Pie Noir, 2 Jersiaises, 2 Froments du Leon, et des croisées qui forment un joli troupeau très tranquille. Elles sont principalement nourries à l’herbe et au foin toute l’année, sans ensilage de maïs. Ici, c’est Marco qui s’occupe essentiellement de l’élevage. Le week-end, les membres de l’équipe se relaient pour que chacun·e ne travaille qu’un week-end sur 5. C’est un des avantages que permet le fonctionnement collectif. Pour autant, l’équipe concède que la réussite tient aujourd’hui essentiellement grâce à l’énergie investie par ses membres. Une perspective qui complexifie le caractère transmissible de la ferme.

Les vaches laitières de la ferme collective Radis&Co au retour de la traite

Sur la ferme, Robert Jean et Clément sont responsables du maraîchage diversifié et produisent leurs propres plants. Steeve s’occupe quant à lui de la fromagerie : il fabrique de la tomme, d’autres fromages et des produits de crémerie. Enfin, Estelle tient le fournil et produit une gamme de pain au levain et des galettes. Les céréales (blés anciens et sarrasin) sont cultivées et transformées sur place. Pour finir, quelques porcelets sont nourris avec le son du blé et le petit lait issu de la fabrication du fromage.

Tous ces produits sont vendus principalement en AMAP, au marché, en épicerie et magasin bio. Enfin, pour gagner en flexibilité sur la transformation, une partie du lait est vendu à la société Biolait. Cette entreprise de l’économie sociale et solidaire au fonctionnement coopératif est le 1er collecteur de lait bio en France.

La paysannerie en collectif au cœur du rêve évolutif des Radis&Co

A l’origine de la ferme collective, 5 copains avec des envies d’action concrète en accord avec leurs valeurs. La paysannerie en collectif, c’est une manière de militer pour la production d’une alimentation locale, saine et respectueuse du Vivant. D’être ensemble, de créer des dynamiques locales, d’accueillir et de partager. Une manière de se relayer aussi. De ne plus sacrifier sa vie privée au profit de l’engagement important que requiert le milieu agricole. De prouver que d’autres modèles agricoles sont possibles. Qu’on peut faire vivre plusieurs personnes sur de plus petites surfaces, avec moins de vaches, moins de matériel. En diversifiant les activités et en essayant d’être le plus autonomes possible.

Au fil des 12 années, quelques prises de recul et certains choix qui évoluent. On s’adapte à des réalités économiques complexes, à la pénibilité de certaines tâches. On fait des compromis entre l’idéal de départ et les constats auxquels on se confronte, des besoins qui évoluent. Ainsi, les associé•es partagent qu’avec quelques vaches laitières de plus, iels gagneraient en confort financier, à condition d’avoir quelques hectares de terres supplémentaires.

La complexité de l’aventure collective

Par ailleurs, le collectif amène aussi son lot de complexité. Dans la gestion des liens humains, de l’évolution des besoins et des limites de chacun·e. Sur 5 associés historiques il en reste 3. Clément et Estelle ont dernièrement rejoint l’aventure en tant qu’associé•es. Ils y ont d’abord travaillé, en tant que salarié pour Clément, stagiaire pour Estelle.

Prendre soin du collectif demande du temps, surtout quand on souhaite favoriser la polyvalence pour se remplacer sur certains ateliers. Du temps sur les questions pratiques : réunion hebdo, passations pour les astreintes, repas collectif le midi avec préparation tournante, accueil et événements ponctuels, engagements dans des réseaux paysans… Mais aussi sur les questions de fonds : départs en congés, mouvements au sein du GAEC, vision partagée, place de chacun·e, gestion des conflits, évolution des besoins… Ces sujets peuvent générer des tensions, des conflits. Ils sont abordés au fil de l’eau, selon les besoins qui surgissent.

Pour cela, le groupe se fait accompagner par l’AFOC (association de formation collective à la gestion, spécifique au milieu agricole), et par une personne spécialisée sur les fonctionnements collectifs.

Lune, une Bretonne Pie Noir de la ferme collective Radis&Co

Le collectif, puissant outil d’apprentissage relationnel

Des échanges avec ces fermes partagées ressort souvent à quel point le collectif fait travailler sur soi. Il demande d’avoir envie d’y consacrer du temps. D’être en capacité de remettre en question sa façon de voir les choses. De la faire évoluer au contact des autres. D’apprendre à communiquer sur ses besoins, ses envies, ses limites ; avec clarté et douceur dans la mesure de chacun•e. Cela peut paraître évident, et pourtant c’est un travail au quotidien que de prendre soin des liens, dans toute relation.

La vie d’un collectif paysan est particulière car elle mélange potentiellement différentes sphères : professionnelle, familiale, amicale, locale… D’où le besoin fondamental d’apprendre à poser ses limites. Dans le temps, l’espace, l’énergie investie… entre ces sphères qui s’entremêlent si facilement. Avoir un espace d’habitat pour soi par exemple, peut permettre de couper plus facilement avec le quotidien du collectif.

Pour autant, se pose aussi la question du partage d’autres moments plus conviviaux, en dehors des temps de travail. Par exemple chez les Radis, un dimanche par mois est consacré au jardinage et à l’entretien général des communs. Souvent autour d’un repas, d’un goûter, avec les familles de chacun·e. Un équilibre délicat à trouver, pour créer sans imposer ces moments dans l’interstice familial, amical et professionnel, sur un temps autre que celui du travail.

Parée à traire les vaches à la ferme collective Radis&Co !

Repenser le rapport au temps et à la sédentarité, enjeu majeur pour les nouvelles générations de paysan·nes

Un autre élément revient souvent dans les échanges (et sera approfondi dans le podcast, comme les sujets que survole cet article). Il s’agit du rapport au temps, à la sédentarité, à l’engagement complet et intense que requiert le monde agricole. Une vision qui en effraie plus d’un•e, à l’idée de s’installer en agriculture. Dans nos générations, les aspirations évoluent sur l’importance accordée au temps pour soi. Au besoin de coupure, de prise de recul, de quête de sens au travail. Mais aussi d’aborder la pénibilité du travail, l’ergonomie des tâches et des ateliers… Tout cela dans un contexte où l’entraide agricole diminue à mesure que les petites fermes disparaissent. Qu’avec leur disparition se réduit le nombre d’agriculteurs•ices et les forces vives dans le milieu agricole.

Le collectif se présente donc de plus en plus comme une alternative souhaitée pour trouver un équilibre entre ces aspirations. Concilier une activité paysanne rémunératrice, sans pour autant y sacrifier sa vie, sa santé, l’entièreté de son temps. Il y a donc des enjeux majeurs à se mobiliser et à partager les expériences. A faire évoluer les modèles agricoles en phase avec ces aspirations, pour rendre à nouveau la paysannerie désirable. Pour permettre aux générations en quête de sens de sauter le pas, sans y laisser des plumes.

Lever de soleil à la ferme collective Radis&Co à Montflours

Mille mercis à toute l’équipe des Radis&Co pour votre accueil chaleureux !! Belle suite à vous et à bientôt ! Direction Le Champ des Possibles, la ferme de Gaëlle et Xavier à Grazay, près de Mayenne !


Vous pourrez suivre toutes ces aventures :

6 commentaires sur “L’agriculture paysanne en collectif chez Radis&Co”

  1. Merci Maelle pour ces commentaires très riche, ces derniers mettent en avant la complexité des relations humaine et le travail en collectif…
    Bravo à toi pour l’analyse.
    Bonne route….
    Bises
    Daniel

    1. Merci beaucoup Daniel pour tes retours encourageants!! Heureuse de lire que ça t’a plu 😊 Des gros bisous et à tout vite!

  2. Bravo à toi Maëlle de prendre le temps d’écrire, au milieu de toutes ces rencontres, de lieux, d’organisations, d’humains, d’animaux, de végétaux… tu gardes ce petit “focus” sur ton envie de partager et c’est bon de te lire ! à bientôt

    1. Mille mercis Angélique!! Des bisous et à tout bientôt 😘

  3. wahou!
    chouette article !
    C’était très agréable de partager ces moments avec toi
    Bonne route !
    marco

    1. Merci beaucoup Marco!! Pareillement, merci pour ta patience et ta disponibilité, c’était passionnant d’échanger avec toi et partager quelques bribes de quotidien ! Des bisous et à bientôt !!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *