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Maraîchage au Champ des Possibles

Une semaine chez Gaëlle et Xavier : maraîchage et boulange paysanne au Champ des Possibles

Lundi matin. Départ dans la joie et la bonne humeur de Montflours. Direction le Champ des Possibles à Grazay, pour découvrir le maraîchage et la boulange paysanne. Pleine de reconnaissance pour ces 10 jours chez les Radis&Co, je reprends le halage vers le Nord Mayenne. Un autre monde bien méconnu pour nous autres, Sudistes Mayennais ! Encore que… 40 km à vélo plus loin, me voici accueillie chaleureusement par Gaëlle et Xavier. Gaëlle est originaire de Craon, comme moi ! Comme quoi, les mondes Mayennais ne sont pas si lointains…

Arrivée au Champ des Possibles où Gaëlle et Xavier vivent de maraîchage et boulange paysanne

Ce couple est installé depuis 2018 en maraîchage diversifié sur 11ha, à côté de Jublains. Ils sont certifiés “Nature et Progrès”. Naturalistes de métier, ils se sont rencontrés à la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) dans leur ancien boulot. C’est là qu’ils ont commencé à imaginer leur retour à la terre. La dimension agroécologique, l’attention à la préservation de la biodiversité, et la recherche de cohérence dans les pratiques, les réseaux et les liens humains sont depuis longtemps au cœur de leur rêve. Après plusieurs expériences en maraîchage, Gaëlle et Xavier s’installent à Grazay suite à la rencontre avec leurs prédécesseurs, à l’époque éleveurs laitiers. Un vrai coup de cœur réciproque !

Xavier avec les deux ânes, Boubou et Walden qui aident au maraîchage au Champ des Possibles

La traction animale pour reprendre la terre aux machines

Au fil de leurs expériences en tant que naturalistes, ils réalisent l’étroitesse des liens entre la biodiversité et la paysannerie, entre la biodiversité et l’alimentation, la santé. Dans une volonté de renouer avec les savoir-faire d’antan et par passion pour les équidés, ils choisissent de travailler en partie leurs sols en traction animale. 2 ânes et un cheval de trait sont leurs compagnons de travail : Boubou, Walden et Racoun.

Loin d’une volonté de retour en arrière, il s’agit plutôt de concilier savoirs ancestraux, techniques et outillages modernes, compagnonnage et complicité avec l’animal. D’utiliser des méthodes économes en énergies fossiles, qui préservent la qualité des sols, de l’air et de l’eau, de la biodiversité. Le tout pour produire une alimentation de qualité, accessible et économiquement viable sur de petites surfaces. Plus que jamais, la traction animale redevient d’actualité. C’est un instrument politique de lutte pour l’autonomie et le réempuissancement des paysan•nes. Une volonté de “reprendre la terre aux machines” (voir le livre de l’Atelier Paysan, Éditions Seuil).

Le tracteur est lui aussi utilisé, à minima, essentiellement pour broyer les engrais verts, passer le cultivateur et transporter les légumes. Des questions d’équilibres, parfois de concessions, de compromis et de temps donnés !

La récolte du jour en maraîchage au Champ des Possibles

Au Champ des Possibles : équilibrer le quotidien en maraîchage avec la vie de couple, la vie familiale

A mon arrivée, Gaëlle était enceinte, prête à accoucher. À mon départ, petit Firmin était né ! Le quotidien à deux sur la ferme est bien différent lorsque l’on est déjà presque trois. Plus de repos pour Gaëlle, certaines tâches qui deviennent impensables, et des légumes qui continuent de pousser. Gaëlle s’occupe beaucoup de la pépinière, et se passionne tellement pour ces milliers de petits bébés qu’elle doit se resteindre pour ne pas s’y épuiser avant l’accouchement ! Un des challenges des (futures) mamans paysannes, s’accorder le fait de lever le pied, en douceur et avec sérénité. Un challenge pour le couple également !

Travailler en couple en agriculture : équilibres, statuts et reconnaissance

Je suis admirative de leur capacité à partager autant au quotidien, dans l’aventure paysanne. Un challenge de taille où s’entremêlent tant d’espaces-temps, d’enjeux relationnels et économiques. Un challenge qui aurait tendance à m’effrayer davantage que le GAEC hors couple.

D’autres couples de paysan·nes rencontrés, comme Adèle et Tanguy, me partagent que lorsque l’entreprise vivote et qu’on peut vouloir tout foutre en l’air, l’amour du couple fait parfois office de ciment. Adèle me partage que, pour elle, le courage se situe autant dans l’association agricole hors relation de couple, car quand on en a marre, rien ne nous attache à l’autre ! Comme quoi, les perceptions… C’est toujours bien propre à chacun·e, mais aussi et surtout des histoires de rencontres, des histoires de vie. Gaëlle et Xavier se sont côtoyés quelques années dans un autre milieu professionnel avant de lancer ce projet commun. Ils avaient une bonne idée de leur capacité à travailler ensemble. Le reste est un travail au quotidien, qu’on soit dans le milieu agricole ou pas d’ailleurs.

Adèle et Tanguy se connaissent depuis le collège et l’association s’est faite étape par étape. Du statut de conjointes collaboratrices, peu avantageux pour les femmes du milieu agricole, Adèle et Gaëlle prennent leur place pas à pas vers le statut d’associées. La législation évolue depuis peu en France, sur la reconnaissance du statut des femmes dans le milieu agricole. Pour Adèle, c’était important de pouvoir accéder au statut d’associée, après 13 ans en tant que conjointe collaboratrice. Gaëlle souhaite elle aussi devenir associée, au même titre que Xavier. Les procédures sont longues et coûteuses, c’est un travail de longue haleine.

Départ matinal au marché avec le pain et les légumes du Champ des Possibles

De la boulange paysanne au Champ des Possibles

Xavier développe depuis quelques années une activité de paysan boulanger. Il cultive son blé, une sélection de variétés anciennes, qu’il emmène au moulin et transforme deux fois par semaine en délicieux pain au levain. J’ai la chance d’assister à une fournée, dans le fournil à bois. On entend le pain qui chante et crépite à la sortie du four. Ça sent bon, et ça donne envie d’y croquer à pleines dents.

Leurs produits sont vendus en direct : sur deux marchés, quelques AMAP et épiceries dont un magasin de producteur monté avec des amis dans le village, et quelques restaurants du coin. Le meilleur moyen de tisser des liens avec les consommateurs et de s’assurer des prix justes, sans intermédiaires.

J’accompagne Xavier dans ses tournées de livraisons et sur un ou deux marchés. J’adore ces ambiances, je m’y sens comme un poisson dans l’eau. Cela me conforte dans mes envies de développer la vente directe à la ferme, et/ou sur quelques marchés. Les possibilités sont multiples, et demanderont à être affinées selon les dynamiques locales existantes.

Le réseau Paysans de Nature au Champ des Possibles

Gaëlle et Xavier font partie du réseau Paysans de Nature, qui contribue à installer et outiller des paysan·nes sur la préservation de la biodiversité. Ainsi, au Champ des Possibles on fait des inventaires faunistiques réguliers, des points d’écoute des oiseaux, des animations pédagogiques sur les chauve-souris ou l’apiculture naturelle… Je ne connaissais pas ce réseau, qui me parle bien et me donnerait envie de l’intégrer, ayant toujours eu une curiosité pour ces petites bêtes et plantes qui nous entourent.

Un cadeau offert par Gaëlle et Xavier à mon départ du Champ des Possibles, pour m’ouvrir à d’autres chants

Le chant du Bouvreuil ouvre un nouveau Champ des Possibles : marier paysannerie et éveil à la nature

J’ai la joie d’accompagner Xavier pour un point d’écoute matinal. 7h du matin, au petit jour. Nous chaussons les bottes et enfilons les jumelles, tandis que les premiers rayons dorés caressent les prairies d’un vert éclatant. C’est la fin du mois d’avril, l’aube est encore fraîche, le ciel est clair et l’herbe trempée de rosée. Le soleil ne perce pas encore la voûte des arbres que, déjà, la prairie résonne de mille trilles, sonnets et vocalises. Les chants paraissent confus et désordonnés au premier coup d’oreille distrait. Mais bientôt, des mélodies distinctes se dégagent.

Xavier m’indique le chant d’un pinson perché sur un chêne, d’un pouillot véloce puis d’une alouette Lulu. Un faisan crie au loin. On espère avoir la chance d’attraper au vol le chant du bouvreuil qui, paraît-il, niche aux alentours.

Au détours d’une vieille souche, quelques poils de sanglier. Dans cette petite mare, un couple de colverts. Nous prêtons attention à nos pas, pour éviter d’écraser d’éventuels œufs pondus dans les hautes herbes. Un chevreuil aboie dans un bosquet. Un grimpereau sautille le long d’un tronc, jouant à cache-cache.

Puis, alors que les premiers rayons du soleil inondent les plus hautes branches des chênes, Xavier l’entend. Son oreille est fine et bien entraînée ; il peut capter et identifier simultanément 5 ou 6 chants d’oiseaux. L’exercice est fascinant, de constater comment l’oreille s’éveille aux chants, tantôt lointains, tantôt très proches.

Xavier a repéré la complainte du bouvreuil. Nous levons les jumelles vers la cime, tandis que l’oiseau nous offre un fabuleux cadeau de début de journée. Face au soleil et à nos yeux ébahis, son poitrail rougeoyant, le bouvreuil entonne son chant doux et emprunt de “Sodade”. Nous rentrons tout émus, touchés par ce joli cadeau.

De la graine aux légumes et de l’herbe aux fromages, direction la ferme de Lucille et Max !

Après ces 10 jours riches, ponctués en apothéose par l’arrivée de bébé Firmin, je prends deux jours de pause à Mayenne pour faire le bilan de ce premier mois de voyage. Puis, direction Saint-Fraimbault-de-Prières pour aller rencontrer Lucille et Max, au GAEC De L’herbe aux Fromages!


Vous pourrez suivre toutes ces aventures :

One Comment to “Maraîchage au Champ des Possibles”

  1. Tu nous régalés Maëlle avec toutes ces aventures et la rencontre avec toutes ces belles personnes 🥰 👍 bisouilles ☀️

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