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Grains de Route : Tour de Bretagne à vélo

Deux mois à vélo avec Grains de Route : Tour de Bretagne et traversée des Monts d’Arrée

Lundi 5 Juin. C’est une journée un peu improbable. Je quitte la coloc d’Anna à Plouezoc’h, où j’ai passé la nuit au Nord de Morlaix. Je poursuis mon tour de Bretagne à vélo du projet Grains de Route. Aujourd’hui, je prends la direction des Monts d’Arrée pour deux jours de traversée de cette zone montagneuse (à l’échelle de la Bretagne bien-sûr). Direction Carhaix puis Riec-sur-Belon, près de Concarneau. C’est là que se situe la prochaine ferme de Bara’Laezh, où je vais passer 15 jours.

Départ tardif après une jolie soirée à refaire le monde en compagnie d’Anna et de ses chouettes colocs. J’arrive à Morlaix sur les coups de midi. Juste à temps pour me ravitailler, car je ne suis pas sûre de trouver des épiceries facilement en cours de journée. Anna me parle d’un sentier sympa à travers les landes et les tourbières du Cragou. Après quelques kilomètres de voie verte peu passionnante, je quitte le halage pour retrouver le plaisir de quelques montées-descentes en direction des Landes du Cragou.

Ravitaillement à Morlaix pour la traversée des Monts d’Arrée à vélo, sur ce tour de Bretagne

Biodiversité et Résilience alimentaire : même combat

Dans ce détour à vélo par les Landes Bretonnes du Cragou, je rencontre un couple de retraités de la région lyonnaise, passionnés d’ornithologie. Ils sont venus observer les oiseaux qui peuplent cette zone, notamment le busard cendré. Ils repartent bredouille concernant ce dernier. Le couple m’explique que depuis plusieurs années déjà, ils observent très clairement l’effondrement de la biodiversité. Oiseaux, insectes, amphibiens, mammifères et reptiles… Tout disparaît me disent-ils, contrits. Ils sont adhérents à la LPO, l’organisme où travaillaient Gaëlle et Xavier du Champ des Possibles avant de se lancer en maraîchage. Je leur parle du réseau Paysan de Nature, pour leur montrer qu’il y a des prises de conscience et des personnes qui se bougent à échelle locale. Malgré tout, il est vrai que le rythme de cet effondrement est effarant.

On ne réalise pas à quel point nos vies humaines sont intrinsèquement liées à celles de la biodiversité qui nous entoure, que notre société consumériste s’applique à détruire. Agriculture intensive et usages de pesticides à tout va, déforestation et destruction des haies, pollutions plastique, microplastique, métaux lourds dans l’eau, les sols, l’air, pollution atmosphérique liée aux transports, et j’en passe… Toutes ces activités créent des réactions en chaîne qui réduisent les habitats, les sources d’alimentation ou bien tuent directement insectes, oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens, flore… Nous ne réalisons pas que lorsqu’il n’y aura plus d’abeilles et de pollinisateurs, il n’y aura plus d’agriculture. Et donc plus de production d’alimentation possible. Que demain, la prochaine extinction de masse ce sera celle de l’espèce humaine. Si nous ne changeons rien à nos habitudes de consommation.

Une oie sauvage repérée sur un vélo dans l’anse de Porz Morvan, nord Bretagne

Et alors, c’est bien beau ton tour à vélo, mais on fait comment ?

Les solutions existent, à échelle locale, à profusion. Il ne s’agit pas de désespérer tout seul dans son coin, mais au contraire de se serrer les coudes. De se rapprocher des AMAP, des épiceries locales associatives, des associations naturalistes près de chez vous, des recycleries et des repairs cafés, des lieux de débat et de discussion citoyenne… Ou bien de les impulser près de chez vous. Soyez certain•e que d’autres personnes partagent vos inquiétudes, votre sentiment d’impuissance qui ne demande qu’à se transformer en action locale.

Je reprends ma route après la balade sur le sentier. Dans un champ, un jeune renard, tapis dans les plants de maïs, se fige. Instant magique. C’est ça moi, qui me donne de l’espoir et l’énergie de lutter à ma manière. Ce genre de rencontre intemporelle. Je ne veux pas devoir expliquer à mes enfants, si j’en ai un jour, à quoi ressemblait un renard. Je veux qu’ils puissent en apercevoir au détour d’un sentier, de leurs propres yeux.

Murielle et Jérôme, superbe rencontre de ce tour de Bretagne à vélo, font partie de l’association Vélo Utile qui promeut les déplacements à vélo.. Merci encore pour l’accueil et les Grains de Route !!

Il y a le bon et le mauvais chasseur…

Au village suivant, je m’arrête dans un café. Il est tenu par un vieux monsieur. Le café, c’est sa maison, son salon. Il regarde la télé entre deux commandes de clients. La décoration est atypique : Trophées de chasse empaillés, certificats de chasse, tapisseries représentant des scènes de chasse… Pas de doute, on est bien chez un chasseur ! Reste à savoir si c’est un bon ou un mauvais…? Je discute avec lui, on partage un bon moment. Il est le président de la Fédération de chasse locale. Au mur, un poster représentant de jeunes louveteaux dans la commune voisine. Je lui demande s’il y en a encore dans la région. Il me répond que le dernier a été tué il y a 120 ans.

Grains de Route : “C’est quoi votre drapeau ?”

Je poursuis mon tour à vélo sur les petites routes Bretonnes. Au village suivant, je suis interpellée par deux jeunes garçons, à peine mon âge, qui reconnaissent le drapeau de la Confédération Paysanne. C’est précisément pour cette raison que je me tape le délire de l’arborer sur mon vélo comme un étendard : ça fait causer les gens !! J’adore voir la diversité des réactions quand on m’aborde en me demandant “C’est quoi votre drapeau ?”. Certains ne connaissent pas, d’autres me disent “Ah oui, c’est original…” d’un air circonspect, d’autres encore sont enthousiastes.

La plupart sont plutôt ébahis, déjà par le fait de voir une femme seule à vélo, non électrique, avec tout ce barda de sacoches. On me trouve courageuse. En tout cas, rapidement les langues se délient, et c’est précisément ça que je recherche.

J’explique mon périple aux deux gars et ils me disent qu’ils vivent dans la forêt. De vrais vagabonds, tous sourires, aux visages rayonnants. Rencontres improbables dans cette journée, lumineuses et complémentaires. Une jolie galerie de personnages.

Grains de Route : Tour de Bretagne à velo, Mont Saint Michel au petit jour

Dormir en nature pour mieux la (se ?) comprendre

En fin de journée, je suis aux aguets pour trouver un chouette spot de bivouac. De préférence auprès d’un cours d’eau pour pouvoir me laver, sous des arbres pour tendre mon hamac, avec un sol dégagé pour pouvoir pique-niquer. À l’abri des regards. Le must, si ce n’est pas trop demander, serait d’avoir le petit rayon de soleil de fin de journée!

Je finis par trouver l’endroit idéal, et tendre mon hamac entre deux jeunes chênes. Un petit ru m’offre la possibilité de laver mon cuissard et me débarbouiller, délasser mes jambes dans l’eau fraîche après la petite soixantaine de km effectués aujourd’hui. C’est une petite étape. Je suis un peu avant Carhaix.

La fin d’un cycle et le début d’un nouveau

Ce soir-là, A., mon amoureux venu pédaler 7 jours avec moi la semaine dernière, m’appelle. Mon estomac est noué car je sens que cette discussion sera décisive. Ça ne loupe pas. Avec beaucoup de douceur, de compréhension mutuelle et de gratitude, c’est la fin d’un cycle pour cette relation. C’est aussi le début d’un nouveau, comme je dis toujours…

L’intégration viendra, pour le moment je laisse la tristesse m’envahir. Vivre pleinement ces premières étapes du processus du deuil. L’espace-temps s’y prête à merveille : solitude, soutien à distance de mes amies qui se tiennent disponibles si j’en ressens le besoin, omniprésence de la forêt et tout ce qui vit à l’intérieur, bruit de l’eau qui coule et du vent dans les feuillage, écriture…

Tout cela m’aide à combler partiellement le trou béant laissé dans ma poitrine. M’aide à prendre conscience du fait que je suis complète malgré tout, mais qu’en cet instant il est doux de laisser mes yeux et mes joues s’humidifier.

La nuit sera courte et entrecoupée, comme souvent lorsque je dors dehors, mais réparatrice et ressourçante. Lever de lune brune à travers le feuillage, elle est encore presque pleine. Un ver luisant dans les feuilles mortes. Une chouette hulotte hulule non loin. Quelques bruits de feuillage me font tendre l’oreille, mais je me sens sereine et en sécurité ce soir.


Vous pourrez suivre toutes ces aventures :

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