Bilan du 1er mois de vélo à recueillir des Grains de Route pour le podcast itinérant paysan
Un mois qu’a débuté ce voyage pour le projet Grains de Route. Que j’ai pris la route au départ de Craon, en compagnie de Rookie, mon fidèle vélo. 312 km effectués, 4 fermes visitées (le GAEC Arc en Ciel, le GAEC Radis&Co, la ferme de Fanny Goupil et Le Champ des Possibles à Grazay dont l’article est à venir).
Un mois seulement, et pourtant il me semble que cela en fait 6. Le quotidien sur Avignon me semble appartenir à une autre vie. Les liens demeurent, avec les personnes qui nous ont marqué, les relations que l’on nourrit. Les souvenirs aussi, mais sans les regrets (pour changer la chanson)! Je me sens en tout cas pleinement présente à ce que je vis actuellement.
Un mois de voyage à recueillir des Grains de Route. Les rencontres sont riches et ne se ressemblent pas. Chaque personne, chaque ferme m’offre une vision complémentaire de la paysannerie. Du grain à moudre pour construire mon projet.
Un mois de voyage, et le temps est bon et doux (même en Mayenne !). La nature est frémissante et pleine de vie en ce début du mois de Mai.
Affiner l’écoute et la confiance avec l’exercice du podcast
Le podcast se dessine petit à petit, à mesure que je recueille les paroles de celles et ceux qui acceptent de se livrer. C’est un fabuleux exercice, dans la réciprocité. Pour ma part, l’objectif du podcast m’incite à sortir de ma zone de confort, à poser des questions, aiguiser ma curiosité. À oser prendre ma place et parler du projet, pour créer les temps d’échange qui le feront vivre.
C’est trouver l’équilibre délicat entre inviter à l’échange sans être intrusive. Ça me questionne aussi sur l’attention à porter sur la fidélité de la retranscription. À posteriori, au montage, comment faire entendre au plus juste les messages qui me sont transmis ? Comment me montrer digne de la confiance qui m’est accordée ?
Il y aura forcément un parti-pris, le mien. Il s’agira d’y trouver de la justesse. De porter attention à éviter de mettre en porte à faux ces personnes qui se livrent. Un sacré challenge, un subtil jeu d’écoute et d’équilibriste. Ça me demande d’affiner mon ressenti, de clarifier mes intentions, de (me, nous) mettre en confiance. Enfin, dans le doute, de demander confirmation à mes interlocuteur•ices.
Faire face à ses peurs et se sentir capable
Parfois, la peur de décevoir est présente, en toile de fond. Peur de décevoir mes hôtes, mes interlocuteurs•ices, mon papa, ma famille… Forcément, une question de légitimité qui se pose de temps à autre. Et pourtant, une forte envie de mener ces projets au bout. Celui du voyage, du podcast, ou de l’installation agricole. Des convictions qui me portent, me transportent, me donnent des ailes. Un optimisme à toute épreuve, aussi. Celui qui aide à se réjouir des jours de pluie (bien utile en agriculture !).
Heureusement, les soutiens de mes proches me portent aussi. Tout comme les retours de mes interlocuteur•ices suite aux interviews, qui me confortent et m’encouragent. Iels me partagent que ces échanges leurs sont bénéfiques. Que cela valorise leur travail, leurs expériences. Favorise la prise de recul, amène de nouvelles réflexions, ainsi qu’un regard extérieur. Ces échanges permettent de voir le chemin parcouru et de s’en féliciter. Ils aident à conscientiser que les expériences valent la peine d’être partagées, et qu’elles peuvent inspirer.
Rencontre inspirante avec Fanny Goupil, en voyage avec Grains de Route
Sur les peurs qui me traversent, une rencontre en particulier m’aura beaucoup aidée, inspirée. Il s’agit de Fanny Goupil, 35 ans, qui s’installe en vaches laitières toute seule sur une vingtaine d’hectares. En Mayenne, près de Montflours. Cela fait 10 ans qu’elle mûrit ce projet, initialement envisagé sur la ferme de son papa dans les Côtes d’Armor. Un projet qui n’a pas vu le jour à l’époque, pour diverses raisons notamment liées à l’usage des terres.
Depuis début 2021, Fanny s’installe au Tertre Ramier presque sur une page blanche. Elle a déjà quelques génisses et trois petits veaux, marrons et blancs. Ce sont des vaches Armoricaines croisées Montbéliardes. L’Ouest et la Montagne entremêlés, comme dit Fanny d’un ton enjoué. Pas encore de salle de traite, tout est à construire dans ce magnifique corps de ferme bien portant. Tout comme la maison d’habitation, qu’elle rénove en même temps depuis début 2023. Un chantier pharaonique, pour créer une salle de traite, une fromagerie, ainsi qu’une cave d’affinage.
Penser un projet à son échelle
L’avantage de partir d’une page blanche pour Fanny, c’est qu’elle se permet de concevoir le projet à son image. Tout est pensé pour optimiser l’ergonomie de son outil de production, en utilisant au maximum la force gravitationnelle par exemple.
Par ailleurs, le rapport à l’animal se veut équilibré : un petit troupeau de 15 laitières, dehors toute l’année. La traite se fera “par transfert”, pour être au même niveau que l’animal et non dans une fosse en-dessous.
Enfin, les 8ha de bois sont perçus comme une aubaine plutôt qu’un frein à l’élevage. Ils fournissent abri, fourrage diversifié et sont source d’équilibre alimentaire et sanitaire pour les animaux. “Réduire la frontière entre monde domestique et monde sauvage”, dit Fanny. Je suis émue et touchée en profondeur par son projet.
Fanny m’inspire lorsqu’elle me raconte son cheminement pour en arriver à se sentir capable de s’installer seule. Capable de conduire le tracteur. Capable de faire des travaux, de la plomberie, de l’électricité.
Le chemin parcouru avec son papa aussi, dans la transmission des savoirs et des techniques. Ça n’a pas été sans vagues. C’est beau, ça résonne en moi. Le fait de prendre sa place pas à pas, en douceur, dans le dialogue et le respect mutuel. Le recul dont elle fait preuve sur les épreuves de sa vie.
En réalité, elle me fait comprendre que c’est OK d’apprendre en faisant des erreurs, de se tromper. Que parfois on se construit pour suivre une direction, pour finalement en emprunter une autre.
Garder à l’esprit de prendre soin du corps
Avec Fanny, on se rappelle aussi mutuellement l’importance de prendre soin de nous, de nos corps, dans ce milieu où ils sont très sollicités. Où il règne parfois une forme de banalisation de la dureté du travail. Où l’on peut vite se pousser soi-même dans ses propres retranchements.
Fanny me montre qu’il est possible de réfléchir à nos systèmes différemment. En ayant conscience des limites de chacun•e et de comment se préserver.
Finalement, nos échanges me font réaliser que j’ai pris peu de temps seule depuis mon départ. Exemple révélateur, j’ai laissé de côté ma pratique quasi-quotidienne de yoga. Emportée par la fougue du départ, par l’envie de me sentir utile. Par mon besoin d’apporter aux lieux et aux personnes qui m’accueillent autant que ce que je reçois.
Cette fin de mois d’avril m’a offert la possibilité de mieux doser l’énergie que j’investis dans ce projet. D’être dans le donner-recevoir, sans oublier de me donner à moi aussi. De me rappeler que c’est OK de ne pas être au taquet non-stop du petit matin jusqu’au soir, que ce n’est pas ce que l’on attend de moi. Que si l’on oublie de se donner à soi-même, notre capacité à donner au monde s’en trouve vite limitée.
Un sacré jeu d’équilibriste, je disais… Qui m’enthousiasme et me nourrit en tout cas toujours autant ! Tout est dans le dosage… “Soit je suis dans ma force, soit je force” m’a-t-on déjà dit. Je vais tâcher de m’en souvenir pour les mois (et les années !) à venir !!
Vous pourrez suivre toutes ces aventures :
- Sur ce Carnet de Voyage qui sera alimenté au fil de l’eau https://univoyage.co/blog/nomade/maelle-guillet/
- Sur la page Facebook du projet https://www.facebook.com/profile.php?id=10009032909369
- Cet article te fait réagir ? Discutons-en ! Raconte-moi par mail via guillet.maelle@hotmail.fr
Super texte, merci Maëlle pour le partage de ta vie sur les routes, de tes pensées et de leurs évolutions.
Roule roule roule et au plaisir de lire les prochains 😊
Merci ma belle Margot 🥰😘🥰
Je me régale de tes articles Maëlle. Tu Å“uvres dans des sphères qui représentent l’avenir, avec les pieds bien campés au sol et à la Mère Terre, la conscience ouverte aux nouveaux courants et le cÅ“ur entre Terre et Ciel… Paysans de lumière en quelque sorte, pour “prendre sa place pas à pas” dans la douce guidance d’une destinée alignée et utile en ces temps troublés…
Mille mercis pour tes mots qui réchauffent le cœur Wyngalian ! Dans la joie de te recroiser !
je découvre Grains de Route. Ton style en écriture me plait, je sais que je vais passer des moments agréables à te lire. Merci pour cette rencontre et au plaisir
Danielle
Merci beaucoup Danielle, plaisir de te lire et que mes récits te plaisent !! Des gros bisous et à bientôt 😘